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Najat Vallaud-Belkacem |
Décryptage du nouveau Ministère des Droits des Femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports
Avec la nomination de Najat Vallaud-Belkacem à la tête du Ministère des Droits des Femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, la France connaît désormais le nom de son 62e « ministre » chargé des sports depuis l'instauration de cette fonction en 1921.
De nos jours, le ministère chargé des Sports a la responsabilité de définir les grands objectifs de la politique nationale du sport, structurée autour de quatre domaines d'action :
1.Le développement du sport pour tous, en particulier vers les publics les plus éloignés de la pratique sportive. Ici prime la dimension éducative et sociale de la pratique sportive, le sport comme facteur de santé et de bien être.
2.L’organisation du sport de haut niveau, pour maintenir le rang de la France parmi les grandes nations sportives et contribuer au rayonnement international du sport français.
3.La prévention par le sport, la protection des sportifs et la lutte contre les dérives (le dopage, la violence, le racisme, la tricherie et toutes les formes de discrimination).
4.La promotion des métiers du sport et le développement de l’emploi sportif.
Si ces objectifs peuvent nous paraître nobles, un petit retour en arrière est toutefois nécessaire pour se rappeler que les missions confiées au « ministère des sports » ont souvent évolué en fonction des nécessités politiques.
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Henry Paté |
C'est le gouvernement d'Aristide Briand qui s'intéresse pour la première fois au domaine sportif en confiant à Henry Paté une mission concernant l'Education physique et la préparation militaire au sein du Ministère de la Guerre. Il s'agissait à l'époque de préparer le sportif, jeune et masculin, à devenir un fort et vaillant soldat. C'est donc sous l'impulsion d'Henry Paté, député radical-socialiste de la Seine, que l'on doit l'engagement de l'Etat dans l'Education physique et les sports. Henry Paté sera d'ailleurs membre du Comité olympique Français et prendra une part active à la préparation des Jeux Olympiques de Paris de 1924.
Le domaine sportif restera lié au Ministère de la Guerre jusqu'en 1925, date à laquelle le sport sera rattaché à l'Instruction publique et aux Beaux-arts (mais tout de même confiée à une mission chargée de l'Education physique et la préparation au service militaire jusqu'en 1928).
Avec le Front Populaire et les premiers congés payés, le sport est confié au secrétariat d'Etat aux Sports et à l'organisation des Loisirs. En 1954, la IVe République à bout de souffle confie la charge des sports au « secrétaire d'Etat chargé de la coordination des problèmes de la Jeunesse ».
Depuis la Ve République, la responsabilité de la Jeunesse et des Sports est souvent jumelée à l'Education Nationale ou à la Vie associative. Entre 2007 et 2010, époque où les politiques s'inquiètent notamment des ravages de l'obésité chez les jeunes, les Sports seront rattachés au Ministère de la Santé.
Enfin, dernière innovation, la Jeunesse et les Sports sont accolés aux Droits des Femmes et à la Politique de la Ville depuis le 2 avril 2014. Faut-il y voir, comme l'avancent certains journaux, une dénomination incongrue ou ce regroupement dévoile-t-il un vrai choix de société ?
Pour répondre à cette question, il suffit de s'intéresser aux actions menées dans le précédent gouvernement par notre ministre. En effet, alors à la tête du Ministère des Droits des Femmes, les questions sportives n'avaient pas laissé Najat Vallaud-Belkacem indifférente.
Saluons tout d'abord l'inscription, à son initiative, de la parité dans les fédérations sportives.
Plus récemment, en janvier 2014, Najat Vallaud-Belkacem s'est vu remettre un rapport intitulé « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons » qui formule plusieurs propositions dans le domaine sportif :
La proposition n° 21 encourage une plus grande diversité des pratiques sportives des filles et des garçons. Elle recommande pour cela la sensibilisation des parents, des professionnels (médecins, éducateurs), des institutions (écoles) et des acteurs associatifs (clubs) à la problématique de l'inégalité des sexes et des bienfaits du sport pour tous. Cette proposition vise notamment à lutter contre la distinction entre sports de filles et sports de garçons.
La proposition n°22 invite à la neutralité vis-à-vis du sexe dans les campagnes de sensibilisation du grand public à l'activité physique. Elle suggère ainsi de mettre à égalité les personnages féminins et masculins dans les spots, brochures et affiches concernant le domaine sportif.
La proposition n°24 a pour objectif de faire évoluer les pratiques de fédérations et des clubs (en privilégiant l'attribution de subventions aux clubs favorisant la mixité sportive par exemple).
Enfin, la proposition n°25 souhaite favoriser la mixité dans l'utilisation des équipements sportifs, notamment au travers de la politique de la ville.
A la lecture de ces propositions, la création d'un Ministère des Droits des Femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, semble bien loin d'être « incongrue ». Elle illustre même une certaine cohérence. Le plus dur reste cependant à faire, car il faut maintenant « donner vie » à ce nouveau ministère. Alors souhaitons la réussite de notre Ministre dans sa volonté de lutter contre les stéréotypes et de favoriser l'accès de tous à la pratique sportive.