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mercredi 29 décembre 2010

Entretien avec Alban Préaubert, patineur

Alban Préaubert


Amateur de patinage artistique, Kevin Fortin a décidé de consacrer un article sous forme d’un entretien avec une des figures marquantes du patinage français et un ami, Alban Préaubert. Voici pour vous en cette fin d’année ce qu’il a recueillis.

Un patineur artistique qui a un style bien a lui, Alban, 3ème aux championnats de France Elite en 2009, 7ème aux championnats d’Europe 2010. Un patineur plein de talent dont voici le portrait.

Kevin Fortin : Je te laisse te présenter, expliquer ton parcours, nous faire une autobiographie.
Alban Préaubert : Je suis né le 20 septembre 1985 à Grenoble. J’ai une sœur, Estelle qui a 2 ans de plus que moi, et mes parents sont médecins. Ils ont déménagé de Grenoble, quand j’avais 4 ans, à Charleville-Mézières et c’est là-bas que j’ai commencé le patinage artistique à 6 ans et demi, un peu par hasard. Nous devions partir aux sports d’hiver avec mes parents et afin de découvrir des notions de glisse et d’équilibre, mon père a pensé judicieux de nous amener à la patinoire avec ma sœur.
J’ai très vite accroché à ces sensations et j’ai vite été repéré par Elena Issatchenko, la coach bélarusse qui officiait à Charleville.
Petit à petit, j’ai progressé puis démarré les compétitions à l’âge de 8ans. Je suis monté dans la hiérarchie locale d’abord puis nationale et internationale.
Puisque les structures n’étaient pas véritablement adaptées à la poursuite d’une carrière sportive et étudiante de haut niveau à Charleville, j’ai dû partir m’entraîner en région parisienne après l’obtention de mon bac. D’abord à Evry, avec Philippe Pelissier. Puis à Champigny-sur-Marne, avec Annick Dumont. Je reste cependant toujours licencié au CMSG (Charleville-Mézières sports de glace).

KF : Et comment cela s’est passé pour conjuguer pratique sportive et études ? »
AP : J’ai toujours poursuivi mes études. J’ai ainsi eu mon bac scientifique avec mention très bien. Ensuite, j’ai fait un DEUG d’économie-gestion à l’université d’Evry avant de tenter avec succès le concours d’entrée à l’école supérieure de commerce de Paris en 2006.
Je vais finir cette année mon école et obtenir le diplôme, un master grande école. Cette année, puisque l’année n’est pas trop chargée en cours, je passe également le brevet d’état en patinage (diplôme d’entraîneur).

KF : Cela laisse peu de place aux loisirs ? Qu’aimes-tu faire quand tu arrives à te dégager un peu de temps ?
AP : En dehors de cet emploi du temps bien chargé entre cours et entraînement, durant mon temps libre, j’aime aller au cinéma, je suis un grand fan du 7eme art, et j’écoute beaucoup de musique. J’ai des goûts très éclectiques, j’aime surtout le rap et le rock, mais j’écoute vraiment de tout. Et je suis bien sûr un fan de tous les sports, je lis l’Equipe tous les jours et regarde ou pratique toutes les activités sportives possibles.

KF : Tu peux me dire quel est ton palmarès hormis celui que je connais c’est-à-dire 3ème aux championnats de France Elite en 2009, 7ème aux championnat d’Europe 2010 ?
AP :
- 3ème des championnats du Monde Junior en 2003
- 6 médailles en Coupe du Monde entre 2006 et 2010 (2eme du trophée Bompard en 2006, 3eme du trophée Bompard en 2007 et 2008, 3eme du Skate America en 2006, 3eme de la coupe de Russie en 2008, 3eme du skate canada en 2009)
- Vainqueur des Masters 2008
- Champion de France junior en 2004 et espoir en 2001
- 5ème des championnats d’Europe 2009, 6eme en 2006 et 2007 et 7eme en 2010
- 3ème des championnats du Monde Universitaires 2009
- 8ème des championnats du Monde 2006, 11eme en 2007
- numéro 10 mondial

KF : C’est déjà un beau palmarès. Venons en maintenant au sport que tu pratiques. Peux-tu présenter ta discipline ? Es-tu pro ou semi-pro, ta spécificité ( danse, ballet, couple…) ?
AP : Je pratique le patinage artistique en individuel. Je n’ai jamais essayé de pratiquer le couple, ni le patinage synchronisé. J’aurai sûrement pu être un bon patineur de couple puisque je suis assez grand pour cela. Il aurait juste fallu que je me muscle du haut du corps. Mais cette discipline ne m’a jamais vraiment tenté.
Depuis 3 ans, je travaille parfois avec des professeurs de danse sur glace. Mais ce n’est bien sûr pas dans l’optique de faire des compétitions en danse sur glace, c’est uniquement pour améliorer ma qualité de glisse et profiter de ces progrès dans ma discipline individuel.
Je possède le statut amateur. En patinage, lorsqu’on passe professionnel, en signant des contrats pour des shows avec des troupes telles que Holiday on Ice, on ne peut plus participer aux grands championnats, qui restent limités aux amateurs. Etre amateur ne m’interdit pas à participer à quelques galas au cours de l’année, mais je dois solliciter auprès des instances fédérales l’autorisation d’y participer.

KF : Tu parles de ta taille, tu es grand, mais c’est un avantage ou pas ?
AP : Généralement, les patineurs sont relativement petits car c’est un avantage dans les sauts d’avoir un centre de gravité assez bas. Néanmoins, la tendance est moins vraie désormais puisque Lysacek a été champion olympique et il est encore plus grand que moi. C’est d’ailleurs un des seuls sur le circuit à dépasser 1m80 avec moi.

KF : Pour en être là aujourd’hui, tu t’es beaucoup entraîné, en quoi d’ailleurs consiste un entraînement, qu’est-ce que tu travailles ? Comment choisis-tu à la fois costume et musique car certains ballets, par exemple, se patinent sans musique »
AP : Au niveau des choix musicaux, il faut qu’il y ait un accord commun entre moi, mon chorégraphe et mon entraîneur. Parfois, c’est donc le chorégraphe qui m’a proposé des musiques. Notamment lorsque je travaillais avec Nikolaï Morozov, il aimait avoir carte blanche dans son travail de création.
Mais souvent, c’est moi qui fais la recherche musicale. Je suis passionné de musique, j’écoute vraiment de tous les styles et tout au long de l’année, dès que je trouve une musique intéressante, je la mets de côté afin de la proposer à mon staff lors du choix de programme.
Bien sûr, on est un peu contraints au niveau de la créativité, car il faut trouver des musiques sans parole.
Pour les costumes, j’ai souvent moins d’idées donc j’envoie mon montage musical à ma couturière ou à une styliste et je lui demande de me faire des dessins avec des propositions et encore une fois, on se réunit ensuite avec ma coach pour faire le choix.

KF : C’est pendant ces entraînements que tu accentues tes points forts et travailles tes points faibles, non ? Quels sont-ils ?
AP : Mon point fort, c’était ma régularité depuis tout petit et ma persévérance.
Mon originalité peut également être considérée comme un atout, je suis réputé pour être un patineur atypique, avec des choix chorégraphiques qui sortent du commun. Mais c’est parfois aussi un problème car le patinage est parfois un peu stéréotypé et sortir des sentiers battus n’est pas toujours récompensé par des bonnes notes. Mon plus gros défaut, c’est mon manque de souplesse.

KF : Lors du trophée Bompard, j’entendais Annick Dumont parler de combinaisons triple triple, de sauts, d’enchaînements…. Au niveau justement des différentes figures, comment les place-t-on / leur niveau de difficultés / leur enchaînement ?
AP : Il y a un arbitrage à faire à ce niveau car lorsqu’on place les difficultés en deuxième partie de programme, on obtient un bonus de 10% de valeur de l’élément. Il est donc intéressant de commencer par les éléments les plus faciles dans un programme afin de placer les plus difficiles et donc ceux qui ont plus de valeur à la fin. Mais la fatigue joue un rôle important dans le programme et il est par exemple impossible pour moi de réussir un quadruple saut si je ne suis pas dans un état de fraîcheur suffisant. C’est pourquoi je démarre tous mes programmes libres par ce quadruple saut, qui est l’élément le plus difficile de mon programme.
Ensuite, d’une année sur l’autre, on essaye de garder plus ou moins le même enchaînement afin de ne pas trop bousculer nos repères. Mais néanmoins, puisque je change chaque année de programme, il faut adapter cet enchaînement à la composition musicale et ne pas être trop répétitif d’une année sur l’autre.

KF : Te souviens tu de ton meilleur et pire moment ?
AP : Mon meilleur souvenir sportif, c’est sûrement le doublé au trophée Bompard qu’on a réalisé avec Brian Joubert en 2007. J’avais réalisé deux programmes sans-faute. C’était un moment historique et en plus, cette compétition nous a permis à tous les deux de nous qualifier pour la finale du grand prix.
Humainement, j’ai également un souvenir impérissable des Universiades d’hiver en Chine. L’accueil était incroyable, l’ambiance était géniale. J’ai eu en plus le privilège de porter le drapeau français lors de la cérémonie d’ouverture.
Mon pire souvenir, c’était en décembre 2005. Il ne s’agissait pas vraiment d’une compétition. En fait, la fédération avait sorti des règles de sélection claires en début de saison. Mais à la suite des championnats de France, ils ont pensé que ces règles étaient incohérentes. Pourtant, j’avais réussi mon championnat de France et j’avais gagné le droit de participer aux championnats d’Europe en compagnie de Brian Joubert et de mon collègue d’entraînement, Fréderic Dambier selon ces règles. La fédération a organisé un test de sélection à l’issue de cela. J’ai bien patiné lors de ce test et conservé ma sélection mais c’était très difficile à vivre cette situation et cette remise en cause.

KF : Des endroits où tu préfères patiner plus que d’autres, car tu m’as parlé de l’accueil que tu as reçu notamment en Chine… ?
AP : L’accueil à Dijon est incroyable, le public nous réserve des bancs bourguignons. J’adore également patiner à Courchevel, tout est fait pour qu’on se sente chez nous.

KF : As-tu un modèle en patinage ?
AP : J’ai commencé le patinage en 1991, lorsque Philippe Candeloro performait sur la scène internationale donc il a forcément été une idole pour moi. J’ai apprécié son style novateur et son sens du spectacle notamment. Puis, j’ai admiré Ilya Kulik, le champion olympique russe en 1998. J’ai d’ailleurs eu la chance de travailler quelques heures avec lui en stage. Ensuite, comme tout le monde, j’ai trouvé la confrontation entre Plushenko et Yagudin fabuleuse. Ils restent pour moi les deux meilleurs patineurs de tous les temps.
En France, j’ai adoré le patinage de Stanick Jeannette, que j’ai également côtoyé pendant quelques années à l’entrainement. Et le palmarès de Brian Joubert m’inspire le respect.
Mais il y a trop de patineurs dont je respecte le travail et dont j’admire le style pour que j’ai la tentation de copier le style d’un seul. Je préfère piocher des idées dans le patinage de chacun.

KF : A 25 ans, tu as un beau parcours. Mais ce n’est pas fini pour toi, quelles sont tes ambitions, tes envies, tes projets ?
AP : Je rêve notamment d’un podium aux championnats d’Europe. Ca fait 5 ans que je tourne autour, avec des places régulières dans le dernier groupe (top 6). Je sais qu’il ne me manque pas grand-chose pour monter sur la boite.
Je vise également le titre de champion du monde universitaire à court terme. En janvier, en Turquie, je ferai tout pour faire encore mieux qu’il y a 2 ans où j’avais pris la médaille de bronze.
Un peu plus loin, je pense déjà aux championnats du monde qui auront lieu en France en 2012. J’avais participé aux Europe à Lyon en 2006 et l’ambiance était énorme donc vivre un championnat du monde à domicile doit être encore plus fabuleux.

KF : Penses-tu dans un coin de ta tête à ta reconversion ?
AP : Bien sûr, je pense déjà à ma reconversion. En patinage, il est difficile d’avoir des carrières très longues car c’est très éprouvant physiquement. Et j’ai déjà 25 ans. D’ailleurs, j’ai toujours pensé à ma reconversion et c’est pour cela que j’ai toujours poursuivi mes études. Je vais d’ailleurs être diplômé cette année donc, dès l’année prochaine, je vais chercher du travail, même si je souhaite encore patiner quelque temps. J’essayerai d’abord de trouver une entreprise compréhensive, qui me permettra quelques aménagements. J’envisage de travailler dans le marketing sportif ou dans le conseil en stratégie, ces deux domaines m’intéressent particulièrement et j’essayerai de me lancer dans celui où je trouverai les meilleures opportunités.
Même lorsque je quitterai le monde du patinage, j’aurai toujours un œil attentif sur l’évolution de cette discipline. D’ailleurs, j’ai fait un mémoire de recherche sur les droits télévisuels et une partie traitait de la médiatisation du patinage et j’adorerai mettre en place certaines de mes idées et observations.

Article rédigé par Kevin Fortin

Pour me contacter : manager@gregory-capra.com

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